«VITE, un monsieur est tombé. » Le 9 octobre 2010, vers 19 heures, un garçon, âgé d'une dizaine d'années, se rend chez les pompiers à vélo à Vailly-sur-Aisne pour demander de l'aide pour le père de son copain. Un sapeur-pompier suit en voiture l'enfant, sur une distance de deux cent cinquante mètres, jusqu'à une maison de l'avenue Jean-Jaurès. À l'intérieur, le sol est humide. Il vient d'être nettoyé. Un homme est étendu sur le dos entre la cuisine et la salle à manger. Sa compagne, Yolande Serieys, se tient à genoux et lui demande de se réveiller. Elle dira aux gendarmes : « On s'est disputés. Je lui ai donné un coup de couteau. »
Depuis jeudi, la cour d'assises tente de comprendre les raisons et les circonstances de cette rixe mortelle.
Le couple s'aimait, à sa façon. « Au début, il était très gentil, attentionné. Ensuite, il est devenu méchant », signale l'accusée âgée de 51 ans.
Yolande rencontre Eric Mortellier, un colosse portant des moustaches, lors d'une promenade le long du canal en 1998. Ils deviennent vite très amoureux l'un de l'autre. Leur enfant naît en décembre 2000. Ils vivent en caravane, au camping de Presles-et-Boves, puis s'installent à Vailly-sur-Aisne en 2008. La vie est dure, avec des déplacements constants, et un emploi exigeant pour tous les deux beaucoup de force, la découpe de carcasses. Ils sont payés à la tonne. Leur enfant, muni d'un billet de banque, pour s'acheter à manger, est souvent confié à un ami.
Le feu et la glace
Pour tenir, Yolande s'aide d'une béquille, l'alcool. C'est une voisine en 1998 qui l'initie au whisky lors d'innocentes parties de Scrabble. « Je suis tombée dans l'engrenage sans m'en apercevoir pour oublier les problèmes d'argent et de travail. » Elle est capable de consommer une bouteille par jour. Lui aussi s'adonne à la boisson.
Les disputes violentes du couple se multiplient. Elle raconte qu'elle est battue et choisit longtemps de se taire. « Je me sentais blessée avec le sentiment de n'avoir plus de fierté, que l'on m'enlevait tout. J'aimais Eric, je ne voulais pas qu'il ait des problèmes. »
Maître Vignon, avocat de l'enfant, précise : « Chacun était le bourreau de l'autre. »
Avant le verdict attendu lundi soir, le public présent en grand nombre, mesure la riche personnalité de l'accusée. Elle a une froide apparence avec des gestes économes, un charisme lié à une éloquence naturelle. Yolande Serieys affiche aussi un tempérament volcanique quand elle est en colère. Dans ces instants, ses mots sont portés par l'accent du sud-ouest de son enfance. Même le visage baigné de larmes, elle conserve son assurance de lutteuse. « Je veux honorer la mémoire d'Éric », s'exclame-t-elle.
C'est bien elle qui a poignardé son compagnon. Elle assume complètement son geste lié à une profonde révolte : celle d'être considérée, par lui, comme une voleuse car de l'argent restait introuvable. C'est sa signature, un engagement total. C'est la révolte d'une femme qui cède jusqu'au bout à ses sentiments du moment. Elle est le feu et la glace.
http://www.lunion.presse.fr/article/aisne/vailly-sur-aisne-assises-quand-lamour-bascule-dans-la-violence
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