Quand elle a lu l’article paru récemment dans la plupart des médias et rapportant que plus de 100 000 flacons de l’anticancéreux Thiotepa avaient été administrés à des patients français et suisses, Carole Guyot a été saisie d’émotion.
Là, dans sa maison de Montgesoye, dans la vallée de la Loue, avec son petit Mathis, 10 ans, les souvenirs ont une fois de plus afflué. Voilà neuf mois, le 17 avril 2017, son compagnon, Hervé Bernard, mourait au CHRU de Besançon à l’âge de 46 ans. Trois jours plus tôt, il avait déposé une plainte auprès du procureur de la République avec constitution de partie civile pour empoisonnement. Initialement traité pour un cancer de la thyroïde, souffrant aussi de tumeurs cancéreuses aux poumons, il en était arrivé à cette décision grave après avoir fait un constat : les gélules de Sutent (sunitinib 25 mg indiqué dans les cancers des reins, de l’intestin et de l’estomac), données en dernier traitement par le service oncologie du CHRU, avaient une date de validité dépassée de près de seize mois puisqu’expirant le 1er janvier 2016.
« Bernard avait commencé à être soigné pour un cancer de la thyroïde déclaré en 2011. Il était traité à l’iode 131 radioactive au service de médecine nucléaire, chaque prise était suivie d’examens et scanners réguliers. Le traitement a continué jusqu’en 2014. Puis ses poumons ont été atteints, on a alors vu un oncologue et Hervé a été traité par chimio en gélules. D’abord efficace, le traitement ne l’a plus été et a été changé », rapporte Carole Guyot.
« Pour moi, cela a été une mise à mort »
En fait, tout s’est accéléré en février-mars 2017. Le dernier traitement prescrit, le Sutent, est infructueux : le patient va avoir les reins bloqués et va devoir encore subir, dans ce laps de temps, des rayons pour une tumeur au cou non opérable et diagnostiquée d’abord comme un simple œdème par le service.
Aujourd’hui, Carole Guyot se rappelle avec douleur ce jour du 28 mars 2017 : « On nous a annoncé qu’Hervé n’avait plus que quelques mois à vivre, qu’il n’y avait pas de rémission possible. Pour moi, cela a été une mise à mort. C’est ce jour-là qu’on nous a donné la boîte de Sutent périmée de la main à la main, sans ordonnance. En tout, Hervé a pris six gélules, 2 par jour à partir du 28 mars. C’est nous qui avons vu la date périmée et avons appelé le CHRU. Le médecin d’Hervé nous a dit : “Cela ne fait rien, prenez-le quand même et venez chercher une autre boîte”. Je suis allée au CHRU, on m’a redonné une boîte dont la date de validité expirait le mois suivant. »
Carole refoule son émotion. Il y a plusieurs photos d’Hervé dans le salon. Celui-ci a occupé son poste jusqu’à la fin janvier, jusqu’au bout de ses forces au rayon boucherie d’une grande surface d’Ornans. Lui qui n’avait plus que vingt jours à vivre, allait être transporté, le 16 avril 2017 à midi par le SAMU, depuis son domicile au CHRU. Trois heures plus tard, Carole s’entendait dire en salle de dialogue que la fin était proche.
Peu de jours avant, elle aura tout tenté, aura décroché un rendez-vous au centre de traitement du cancer Gustave-Roussy, à Villejuif ; elle et Hervé sont allés en consultation au CHRU de Dijon, qui aura mis une semaine pour faire part des mauvais résultats d’une analyse de sang du patient et de la nécessité d’une hospitalisation d’urgence. « Quand j’ai eu leur message au téléphone, j’étais au cimetière, Hervé était mort depuis trois jours, il avait une conscience aiguë de son mal, il a préparé notre fils à l’avenir sans lui. »
Carole Guyot a déposé plainte pour empoisonnement, en juillet dernier, auprès du procureur de la République.
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